Comment réussir une photo de football qui soit au niveau d’une image d’un pro ? Ceux que l’on voit au bord des terrains des matchs de Ligue 1 ou lors des grandes compétitions internationales, derrière les panneaux publicitaires, armés de téléobjectifs sur-dimensionnés… Plusieurs critères sont à prendre en compte pour sortir des images qui tiennent la route :
- Le matériel utilisé : boîtier photo et optiques
- Le positionnement sur le terrain
- Les réglages notamment la vitesse de déclenchement
- Le cadrage qui va être le reflet du choix effectué par le photographe
- La connaissance du jeu pour prendre les bonnes décisions au bon moment
Détaillons maintenant de façon plus précise ces cinq entrées…
1. Le matériel photo pour réussir vos photos de football
On oublie le téléphone portable de type smartphone ! Il peut servir à passer un coup de fil au bord du terrain ou faire une vue générale, un selfie pour un souvenir… sinon il ne sert à rien dans le cas présent car les sujets à photographier, les joueurs ou les joueuses, sont en mouvement ! Ce suivi du déplacement du porteur du ballon conditionne une caractéristique technique majeure pour bien choisir son boîtier et l’objectif (on dit aussi l’optique) à monter dessus : il faut de la vitesse. C’est à dire :
- Cadence de déclenchement du boîtier pour être en mesure de « rafaler » puis d’isoler la meilleure image au sein de la séquence
- Vitesse d’autofocus de l’objectif pour suivre le sujet sans lâcher la mise au point quand on enchaîne les déclenchements
En ne perdant pas de vue qu’un objectif de (très) bonne qualité est le critère n°1 pour garantir une belle image notamment le piqué (la finesse, la définition, la netteté… en langage courant) de celle-ci : au moment des arbitrages, mieux vaut mettre un peu plus cher sur l’optique (c’est un investissement dans la durée) plutôt qu’acheter un boîtier haut de gamme avec un objectif premier prix car vous serez déçu(e) par le résultat.
A titre personnel, je travaille depuis 1997 avec Canon France, confiance maintenue au sein de Ouest Médias avec, aujourd’hui, les boîtiers EOS 1DX2 ainsi que la gamme d’optiques AIS à f2.8 dont 16/35 mm, 24/70 mm, 70/200 mm et 400 m adaptés au reportage de sport.
Pour un amateur, même averti, il s’agit là d’un investissement important voire non réaliste. Il est possible de trouver ces équipements sur le marché de l’occasion, en privilégiant l’achat auprès d’un magasin spécialisé plutôt que les petites annonces. Attention, pour le boîtier, au nombre de déclenchements cumulés de l’obturateur car les pros ont le doigt lourd. Un Canon EOS 1DX est par exemple donné pour tenir au moins 300.000 déclenchements. Le plus ancien de l’agence, qui totalise cinq saisons complètes, approche des 500.000 sans le moindre souci.
En neuf, des références comme le 7D Mark 2 chez Canon ou le D500 chez Nikon fournissent des performances d’excellent niveau.
Côté objectifs, s’équiper d’un téléobjectif 300 m ou 400 mm f2.8 est réservé à une minorité ! En descendant d’un cran, de f2.8 à f4, un 300 mm se négocie entre 1.300 et 1.500 € selon les promotions des marques. Le meilleur compromis pour se lancer : un 70/200 mm f.28 équipé d’un multiplicateur x1,4. Faire attention aux objectifs à faible ouverture, notamment les zooms à grande amplitude comme un 100/400 mm, car ils sont le plus souvent à f4.5/5.6 ; ce qui signifie une perte de lumière importante quand on serre au 300 ou 400 mm.
Il faudra alors compenser en montant les ISO et/ou en baissant la vitesse (voir le point 3. sur les réglages) en prenant le risque d’avoir du « bruit » numérique dans les images à haute sensibilité ou des flous de mouvement car la vitesse de déclenchement aura été trop faible afin d’obtenir la bonne exposition.
N’oubliez pas le monopode qui doit être fixé sur l’objectif et non sur le boîtier. Il donne un point d’appui et garantit la stabilité. Vous pouvez également vous munir d’un petit siège de type camping (10 € chez Décathlon) : vous serez ainsi plus bas et confortable pour travailler, tout en vous ménageant une hauteur de prise de vue optimale.
Pour un match, notre équipement est le suivant :
- Deux boîtiers Canon EOS 1 DX3 + en option un 3e boîtierEOS 1DX2 en télécommande derrière le but + un vieil EOS 1X en secours
- Cinq optiques : 16/35 mm f2.8, 28/70 mm f2.8, 70/200 m f2.8, 400 mm USM3 f2.8 + un 2e 16/35 mm pour le boîtier en télécommande
- Flash
- Cartes à haute vitesse et 2 lecteurs dédiés
- Macbook Pro pour vider les images, traiter sous Photoshop et transmettre en temps réel, routeur 4G
- Siège et monopode + support pour le Macbook Pro
- Housse de pluie pour le 400 mm f2.8 et grand parapluie de golf… car notre terrain de jeu principal est le grand Ouest donc il pleut l’hiver !
- Valise de transport étanche
2. Votre positionnement idéal sur le terrain
Il est stratégique pour réussir vos photos de football et il est dicté par le jeu. Pour les matchs professionnels, des zones obligatoires sont assignées aux photographes :
- Derrière la ligne de but, entre les poteaux de corner et la cage
- En latéral, au maximum à l’aplomb des dix-huit mètres
- En hauteur, depuis la tribune de presse
Si vous êtes limité en focale, jusqu’au 70/200 mm, prenez la partie latérale car elle vous ouvre plus de possibilités en vous rapprochant de l’action en milieu de terrain, plus les débordements des latéraux.
Si vous êtes pourvu d’un 300 mm, vous serez plus à l’aise derrière la ligne avec les actions qui arrivent de face et la capacité à pivoter, sur les centres, pour saisir les phases devant le but. D’autant plus si votre boîtier est en capteur plein format avec un champ de couverture maximum.
Si vous êtes au top du budget, avec deux boîtiers, un 70/200 m et un 300 mm ou un 400 mm en complément, vous avez le choix ! Vous pouvez faire une mi-temps derrière la ligne et l’autre en latéral pour varier les angles. Si vous optez pour les deux mi-temps sur la même attaque, ne croisez pas… sinon vous aurez deux fois les mêmes joueurs. En clair, si vous commencez d’un côté du but en première période, vous avez juste à traverser le terrain pour vous placer en face en seconde.
Pour les matchs amateur, il est souvent obligatoire de rester derrière la main courante. Le pire, dans cette configuration, un terrain avec une piste d’athlétisme qui éloigne de l’action et oblige donc à augmenter la focale pour se rapprocher.
3. Quels réglages pour ne pas rater vos photos de football ?
Comme cela a été posé dans le point 1, ci-dessus, le première critère… c’est la vitesse !
- En automatique : sélectionner le mode TV – priorité vitesse
- Quelle vitesse idéale ? Elle dépend évidemment de la sensibilité ISO et de l’ouverture puisque ces trois valeurs sont liées. Une règle mnémotechnique simple : avoir une vitesse supérieure ou égale à la distance focale… pour un 400 mm, être donc au 1/400e seconde au minimum. Dans les faits, au 1/1000e vous êtes parfait. Plus la lumière descend, un match en nocturne, plus il faudra composer car les éclairages sont parfois aléatoires : il faut gérer par paliers successifs entre la gestion de l’ISO (moins j’ai de lumière plus je monte l’ISO… dans la limite des possibilités du boîtier) et la vitesse (si je suis sous-exposé, je descends la vitesse… là encore en intégrant le moment où la vitesse sera trop basse et les flous de mouvement trop importants)
- Quelle mesure de lumière ? Pas d’hésitation… en mesure pondérée centrale
- Quel réglage d’autofocus ? En AI servo toujours dans l’idée d’être net en suivi du joueur
- Quelle cadence moteur ? Au maximum pour permettre au boîtier d’envoyer à bloc et ainsi être sûr de figer l’action et d’avoir le meilleur cliché possible dans la rafale…
- Comment déterminer la bonne exposition en automatique TV ou manuel ? Une astuce de pro… vous vous calez en automatique TV, sans correction +/- IL, mesure de lumière pondérée centrale et vous visez la pelouse puis vous déclenchez : selon le rendu sur l’écran, bien exposé, sur-exposé ou sous-exposé… vous corrigez en +/- IL (si vous êtes en TV ou vous basculez en manuel avec le duo vitesse/ouverture donné par l’image initiale en automatique que vous ajustez en conséquence). Une 2e image pour s’assurer que tout OK et c’est parti. Attention aux pièges classiques en mode automatique parmi lesquels les maillots de couleur claire ou fluo qui renvoient beaucoup de lumière…
Préalable implicite : tout cela n’est possible qu’en utilisant le viseur optique ! Pas de blague, on ne fait pas de photo de sport en visant avec l’écran de contrôle.
4. Le cadrage : rentrez dans l’action, priorité au ballon et ne jouez pas petit bras !
Travailler avec une longue focale demande un temps d’apprentissage : un 300 mm ou 400 mm ne sont pas des zooms mais des téléobjectifs. Si vous êtes trop serré car vous avez déclenché trop tard, c’est raté ! Votre unique priorité, au-delà des scènes de joie ou de déception : rentrer le ballon dans l’image. Une photo de football, au sens de l’action, sans ballon n’a pas de sens. Evidemment, recoller celui-ci sous Photoshop, ou le déplacer, relève de l’escroquerie pure et simple ! Pas de blague avec cela. Le recadrage participe de la même optimisation non naturelle du cliché. Quant aux filtres, on oublie.
Plus votre cadre et vos réglages sont calés à la prise de vue, meilleure sera votre image sans post-production inutile. En reportage, vous avez en effet peu de temps pour transmettre. Là encore, la composante vitesse est stratégique.
Avec deux boîtiers, un 70/200 mm et un 300 ou 400 mm, tout est plus simple et plus compliqué car il faut passer de l’un à l’autre. Le 300 ou 400 mm, positionné sur son monopode, est le n°1 pour les actions qui s’enclenchent au milieu de terrain, le joueur qui déboule balle au pied depuis le rond central ou le latéral qui prend son couloir, sans oublier les duels, les duels… et les duels !
Un match de football relève d’une opposition entre deux équipes : une photo réussie, c’est donc… au moins deux joueurs qui se disputent le ballon. Plus il y a d’intensité, plus vous êtes dans le vrai.
Le deuxième boîtier, au 70/200 mm, est dédié aux actions de près, dans la surface de réparation et aux actions de but dont les coups de pied arrêtés comme les corners. Un but, c’est le Graal mais il reste un plaisir rare. Il est suivi d’une joie. Parfois, sans raison ni logique pré-déterminée… le joueur et ses partenaires partent à l’opposé de votre position et il faut sauver les meubles. Quand la chance sourit, la scène se passe devant vous et c’est bingo (voir la photo ci-dessus).
La principale erreur à éviter est de cadrer trop large ou de dézoomer : vous allez avoir une grande surface verte avec un joueur tout petit au centre de celle-ci. Un résultat à l’inverse de celui escompté…
5. Envisager la photo de football comme son propre match !
Pour bien photographier un match de football, il faut s’intéresser au jeu et regarder, viser d’un œil et observer de l’autre comme le système s’anime. Comprendre qui joue avec qui, qui centre pour qui, qui va venir placer sa tête ou couper une attaque adverse ? Avec l’habitude, et les rencontres qui s’enchaînent, les routines se créent. Mais toute nouvelle équipe implique une phase de découverte durant les premières minutes. Prenez ce temps comme un investissement. La partie va durer une heure trente ou plus en Coupe, vous aurez le loisir de faire assez d’images… Cela vaut en pro comme en amateur.
Voilà, vous savez (presque) tout ! A vos boîtiers, bonnes photos.
Pierre Minier / Ouest Médias
Sur l’auteur
Diplômé en journalisme du CELSA et ancien grand reporter photographe (Voiles et Voiliers, Onze Mondial, L’Equipe), Pierre Minier a créé Ouest Médias en 2002. Il compte plus de 2.000 matches pros à son actif, sur les cinq continents, entre Ligue 1 et Coupes nationale en France, Champion’s League, UEFA puis Europa League, championnats étrangers majeurs (Premiere League, Liga, Serie A, Bundesliga), Euro et Coupe du Monde pour les équipes nationales. Il est photographe officiel du Stade Rennais depuis la saison 2003/2004.